ZUNÁI - Revista de poesia & debates

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ÉLISE TURCOTTE

 

 

 

 

CE QUE JE VOIS

 

 

Premièrement

 

Peut-être qu’avec la neige, je t’ai fait des adieux.

En janvier,  tu avais fixé des devoirs à ton calendrier,

De petites alvéoles qui t’aideraient à respirer.

Loin du rêve, je marchais avec une canne ornée d’animaux mythiques :

C’était un masque.

Car  chaque fois que je trébuche dans les crevasses des trottoirs,

Je te fais des adieux.

 

Je me prédis une mort plus que lente à tout regarder.

Les hommes mettent un temps fou à  repaver les rues.

J’entre dans l’église, je questionne les habitants de maisons

À moitié détruites.

Je n’attends pas de réponse, mais je me fonds à leurs paroles.

Les oiseaux picorent des miettes de pain sur le sol.

Le train passe et la terre tremble à nouveau.

 

 

La vie simple

 

On doit maintenant s’attendre à un cri collectif.

Rien de beau dans le cœur inversé des condamnés.

C’est comme une longue promenade au bord du fleuve,

Dans un cauchemar sans moyen.

On doit revoir les graffitis sur le ciment,

On doit ramer jusqu'à la sortie.

Et puis c’est le silence qui arrive.

 

Le plan du métro de Montréal sera trouvé dans un appartement en ruines.

Une femme se sera immolée dans un autre quartier.

 

Je ne parle pas de catastrophes,

Ou des animaux qui évitent la tornade.

Je parle de la vie simple,

Une ville qui serpente le long du littoral.

 

Le geste de défaire les lacets de ses souliers,

L’excitation dans la gorge,

Sont désormais une façon d’attirer le danger.

 

 

Ville miniature

 

La guerre a misé sur un grain de ta peau.

Je te rapporte une légende :

On a construit un abri pour les fillettes qui meurent.

Oublie les doigts, oublie ce qui touche ton cœur.

On a récolté le sang des filles,

On a rebâti la petite cours où dorment les surveillants.

On a tranché un visage en deux.

 

C’est ainsi pour les oiseaux qui s’en vont ailleurs,

C’est ainsi pour les arcanes de la maladie.

On écrit dans la poussière :

Tu croirais au contraire d’un miracle, tu enjamberais le pont de jamais.

Il n’y a donc pas de mot ?

 

Tous les chemins sont hantés par le passé. 

Des fils électriques me rattachent à toi,

Comme lorsque le monde faiblit.

 

 

 

*


Poète, nouvelliste et romancière, Élise Turcotte a publié plusieurs recueils de poésie dont  La voix de Carla (prix Émile-Nelligan 1987), La terre est ici (prix Émile-Nelligan 1989),  Sombre Ménagerie (Grand Prix du Festival international de la poésie 2002 et prix de poésie Terrasses Saint-Sulpice de la revue Estuaire 2002) et Piano Mélancolique (2005).

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