ZUNÁI - Revista de poesia & debates

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ANDRÉ ROY

 

 

 

 

LE POÈTE EST PROBABLEMENT UN CHAT

 

 

 

Poésie morte pas morte

de Gérald Godin

 

Vous n'avez encore rien lu,

ni le paysage tatoué sur les mains des pauvres,

ni les soirs brûlés et la fatigue des muscles,

ni les sens sur les lits d’hôpital,

ni les odeurs du travail dans le vent retourné,

ni le miroir froid de la neige au petit matin,

ni la mémoire gravée comme un cœur

sur l’écorce du bouleau noir,

ni les gazettes où l’on ne parle jamais de vous,

ni les cantouques du premier vendredi du mois

ramassés par des gants troués et sales

si vous n'avez pas lu celui qui ne s'est pas laissé faire.

 

                                                                              1995         

 

 

Dans le sombre, j’ai lu la poésie

de Paul-Marie, Nicole, Denis, Roger

 

Je suis le sombreur qui,

au moment des éclats,

vous apporte les poèmes

qu’il rêvait d’écrire en arrêtant de fumer,

les poèmes du néant tordu;

le chasseur des étoiles qui crient,

de ce qui a été et ne sera plus

en ces temps si courts

où nous fuyons ce qui nous fait mal.

 

J’écris là où Dieu ne me veut plus,

Lui-Même si triste de ne plus être éternel

et de nous avoir abandonnés en croyant

que nos poèmes nageaient et volaient comme Lui.

 

Paradis, Purgatoire, Enfer

quand, après avoir trop marché,

nous tomberons enfin dans le ciel,

dans la nuit de la pensée sainte.

 

                                                                              2000

           

 

 

Défense et illustration de la poésie québécoise

en plusieurs langues

 

Elle est celle qui parle,

la dame avec des mains et des yeux

couleur du temps,

avec de la lumière grande,

la fille qui dit croire,

qui dit oui comme Miron déjà :

« Mon pays est froid, long et pauvre. »

Elle n’est pas seule,

elle possède une langue couleur d’hiver,

mais différente,

mais déguisée déjà :

« C’est la langue de qui ? »

Elle dit ce que serait le savoir

de ceux qui seraient comme un fleuve grand :

étendue d’eau devant nos âmes,

étendue d’air, temps tenace.

Michèle Lalonde parle,

voit la langue en feu dans nos corps.

 

                                                                            2006
 

 

*


André Roy, également critique littéraire et cinématographique, a publié plus de vingt-cinq livres de poésie. Traduit en plusieurs langues, il a obtenu quatre prix prestigieux, dont celui du Gouverneur général du Canada en 1986. Son plus récent ouvrage est paru en 2008 sous le titre de Les espions de Dieu.

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